Introduction
Les déambulations d’art-architecture du Néerlandais Krijn de Koning donnent à voir ce que son œil, à la manière d’un réalisateur, saisit d’un paysage. Sur l’appel de la Ville, il a ouvert les portes d’un d’accès interdit car en ruines, La Maladrerie de Beauvais dans l’Oise. Sophie Lechevalier, chargée de projet du lieu, annonce que cette « propriété de religieux se voulait terre d’hospitalité pour des exclus aux XIIe et XIIIe siècles ». Elle accueillait les lépreux, obligés de renoncer à la vie sociale traditionnelle et d’accepter d’être déclarés morts pour le monde avant d’entrer pour achever une existence parallèle, à la fois de morts ET de vivants. Paradoxe, « au Moyen-âge, poursuit-elle, c’était la seule garantie pour ces malades d’être laissés tranquilles et même d’être bien traités ». Le site étant promis à une restructuration, dans l’attente, l’intervention de l’artiste est apparue une évidence pour Gaïdig Lemarié, chargée de Mission Arts plastique de la Ville de Beauvais. Accueil tout l’été à Beauvais (60).
Entretien avec Krijn de Koning
Vos interventions initient un dialogue entre patrimoine et création contemporaine qui interrogent l’essence des lieux. Quelle est l’histoire de l’installation Here and Now ?
Krijn de Koning – Un aspect très plaisant dans ce projet, que j’ai remarqué quand j’ai été invité la première fois, a été le problème de son environnement. Du dehors, on aperçoit un complexe médiéval dans une unité, l’ensemble est pris entre une zone urbaine bien dessinée et une partie dans la nature. Or une fois entré, on découvre deux visages, ce qui pose une dissonance physique et conceptuelle, et pour le public, celui d’une beauté non visible. Les bâtiments à gauche sont complètement restaurés, quand à droite les ruines sont inaccessibles. Pour des raisons de sécurité, une grille enfermait ces pièces très belles que l’on ne pouvait pas voir, ni explorer. C’était naturellement l’espace à habiter.
Vous avez réuni trois lieux distincts, la chapelle, le logis des religieux, l’habitation de l’administrateur. Le cheminement vous est-il apparu simple, sans dilemme ?
KdeK – Normalement on ne peut pas entrer ici. C’est très architectural, il y a des ouvertures mais on n’a pas de vue directe. Comment faire une œuvre qui parle du site, un travail en rapport avec une réalité physique pour former un parcours et passer d’un élément à un autre ? Ici une terre d’hospitalité pour les lépreux au Moyen-âge. Here and now revient à donner une attention à ce qui est présent dans l’instant. J’ai envisagé la structure de panneaux de bois comme les membres d’un corps qui se déploient dans les jardins et s’insinuent jusque dans les intérieurs bâtis.
Le couloir qui mène au logis est volontairement plongé dans la pénombre avant de déboucher sur l’antre, où nous attend un relevé archéologique en coupe. Quel est votre processus de création?
KdeK – Je procède suivant une régie, mais il n’y a pas de stratégie. Il est certain que dès le départ, il y a des points que je veux montrer. La maison abrite encore par exemple, une carte fascinante, qui a créé un système codifié de lecture archéologique de la ville avec des aiguilles de couleurs disposées à la manière d’une acupuncture du paysage. Cela donne une idée de gravité, qui unit un secteur reconstruite avec les fouilles qui coexistent en parallèle. Or, rien n’est resté de sa signification, aucune légende. C’est une énigme. Sur le chemin de la maison, un arbre majestueux a donné corps à la structure, il est encadré et se présente selon de nouvelles perspectives.
De loin, cet arbre paraît pris en cage, quand du dedans, il s’élève majestueux, à la verticale. Dans un écrin peint en bleu. Comment la couleur, verte partout ailleurs, s’est-elle imposée dans le projet?
KdeK – Pour la couleur, s’opère le même mode de décision que dans le choix général de mon travail. Elle sert à confronter les choses, montrer par contraste, créer des ouvertures. J’ai choisi de conserver les surfaces de bois brut pour tout l’extérieur, à l’image du site. La couleur est à l’intérieur, elle capte l’attention sur l’objet lui-même et intensifie la façon dont on regarde dehors. J’ai voulu ici un vert artificiel qui jure avec le vert de la nature. Le chemin au contraire conditionne, il est excitant. Il peut tout y avoir au-delà, même de la science-fiction ! La structure, c’est un outil pour mieux voir.
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